Jean-Baptiste Camille Corot 1796-1875

Né à Paris en 1796, Camille Corot entre à l'âge de vingt-six ans dans l'atelier du peintre Achille-Etna Michallon (1796-1822), premier à avoir obtenu le Prix de Rome dans le genre du paysage historique. Au décès de son maître, il poursuit son apprentissage auprès de Jean-Victor Bertin (1767-1842). Nourri de ses voyages en Italie qu'il parcourt entre 1825 et 1828, 1834 puis 1843, il conçoit le dessin comme l'essence même de l'activité créatrice et développe une manie de croquer inlassablement ce qui l'entoure. Extrêmement apprécié de son vivant, il remporte un franc succès lors de l'Exposition Universelle de 1855. Artiste héritier du Siècle des Lumières mais pleinement ancré dans le XIXe siècle, la peinture de Corot témoigne des mutations picturales profondes du paysage qu'il appréhenda d'une manière novatrice.

 

Les séjours du peintre en Italie n'ont fait que nourrir son émerveillement pour la nature et son envie de la retranscrire telle qu'elle était. Les dessins qu'il exécute l'aident à construire des paysages aux traits incisifs, précis, reflétant non moins le paysage que l'artiste avait devant les yeux que les sentiments qu'il aura suscités en lui. Ce principe d'un paysage reflétant les sentiments de l'artiste se retrouvera chez le groupe de l'Ecole de Barbizon dont Corot fut l'un des chefs de file. Notre composition n'est pas un dessin mais une huile sur toile recensée par Alfred Robaut dans le catalogue raisonné qu'il consacre à Corot après l'avoir suivi dans ses périples. Si la petite scène pastorale mise en scène par Corot la fait entrer dans le genre du paysage historique, l'importance mineure accordée aux personnages, et ce jusqu'au titre qui ne mentionne que les prairies, nous indiquent que le véritable sujet ici, reste la nature.

 

Sujet qui omet un contexte devenu superflu, Corot laisse libre cours à son pinceau lorsqu'il s'écrase sur la toile en coups épais et tirés, apportant de la matière au foin et à l'herbe dense qui parcourent l'étendue. La touche de Corot est enlevée mais très justement maîtrisée. La clarté globale vient des traits jaunes apparus dans les coups de brosse verts, ajoutant à la luminosité de cette plaine exposée sans ombrage. Mais au-delà de cette nouvelle manière picturale, n'oublions pas d'y voir une composition qui trahit un regard posé sur les paysagistes du XVIIe siècle admirés par l'artiste. Parmi eux, Corot a sans nul doute vu l'œuvre du Lorrain auquel il emprunte le travail de la lumière, le pittoresque un peu naïf de la scène pastorale et ce dans un réalisme familier qui croise les ambitions nouvelles de notre peintre deux siècles plus tard.