Yves Klein

Yves Klein, né à Nice le 28 avril 1928, mort à Paris le 6 juin 1962, est un artiste français. En 1954, il se tourne définitivement vers l'art et entame son « Aventure monochrome ».

Dans sa quête d’immatérialité et d’infini, Yves Klein adopte le bleu outremer comme véhicule. De ce bleu plus que bleu, qu’il nommera « IKB » (International Klein Blue).

De ses monochromes, au vide, à la « technique des pinceaux vivants » ou « Anthropométrie », jusqu'à l'emploi des éléments de la nature afin de manifester leur force créatrice ou de l’or qu’il utilise comme un passage vers l’absolu, il a conçu une œuvre qui traverse les frontières de l'art conceptuel, corporel et du happening.

Juste avant de mourir, Yves Klein confie à un ami : « Je vais entrer dans le plus grand atelier du monde. Et je n'y ferai que des œuvres immatérielles ». Il meurt des suites d'un infarctus à Paris en 1962, à l'âge de 34 ans.

Né à Nice en 1928, de parents peintres, Fred Klein (1898-1990)note 1 et Marie Raymond (1908-1989), qui habitent pendant son enfance entre Paris et Nice, Yves Klein est un artiste autodidacte. Il ne s’oriente pas immédiatement vers une carrière artistique et fait ses études à l’École nationale de la Marine marchande et à l’École nationale des langues orientales à Nice de 1944 à 1946.

En 1947, il travaille très jeune à Nice, dans la librairie que sa tante Rose Raymond a installée pour lui dans son magasin1. Durant l’été, Yves Klein fait la connaissance de Claude Pascal et d’Armand Fernandez, le futur Arman, au club de judo du quartier général de la Police de Nice, discipline qui à l'époque est considéré autant comme une méthode d’éducation intellectuelle et morale visant à la maîtrise de soi que comme un sport. Réunis par un grand attrait pour l'exercice physique, ils aspirent tous les trois à « l'Aventure » du voyage, de la création, de la spiritualité. Le judo fut pour Yves la première expérience de l'espace "spirituel". Sur la plage de Nice, les trois amis choisissent de "se partager le monde" : à Armand revient la terre et ses richesses, à Claude Pascal l'air et à Yves le ciel et son infini.

En lisant La Cosmogonie des Rose-Croix de Max Heindel, il découvre également en 1947 la mystique rosicrucienne. L'enseignement ésotérique de la Rosicrucian Fellowship, dont il deviendra membre jusqu'en 1953, via le centre d'Oceanside en Californie6, ainsi que la lecture de Gaston Bachelard, forgeront les bases de la pensée qui nourrira son œuvre.

Attiré par le voyage, il effectue entre 1948 et 1954 plusieurs séjours à l'étranger, tout d’abord en Italie, où en 1950 Lucio Fontana réalise ses premiers monochromes mais qu'il perfore, intitulés "Concetto spaziale" (concept spatial)7 et fonde le Spatialisme, puis en Angleterre du 2 décembre 1949 au 25 novembre 1950 où il perfectionne son anglais et travaille chez l'encadreur Robert Savage, qui l’initie à la dorure à la feuille, ensuite en Irlande, en Espagne et enfin au Japon. Ses premières expériences picturales sont des petits monochromes réalisés et exposés d'abord en privé en 1950, lors de son séjour londonien8. À la même époque, il imagine une Symphonie Monoton-Silence et écrit des scénarios de films sur l’art.

Le 3 février 1951, Yves Klein part étudier l'espagnol à Madrid où il s'inscrit dans un club de judo. Il remplace un moniteur et remplit dès lors cette fonction régulièrement en devenant très proche du directeur de l'école Fernando Franco de Sarabia, dont le père est éditeur. Après seulement cinq années de pratique du judo, Yves Klein, qui rêvait d’en faire son métier9, décide d’aller se perfectionner au Japon. Le 22 août 1952, Klein embarque à Marseille sur le paquebot "La Marseillaise" et arrive à Yokohama le 23 septembre 1952, qu'il quittera le 4 janvier 1954 pour retourner à Marseille le 4 février 1954. Il pratique le judo à l’Institut Kōdōkan de Tokyo où il devient ceinture noire 4e dan.

Il organise sur place des expositions de ses parents : Marie Raymond expose ainsi avec Fred Klein à l’Institut franco-japonais de Tokyo du 20 au 22 février 1953, puis seule au Musée d’Art Moderne de Kamakura, et à nouveau avec Fred Klein en novembre au Musée d'art Bridgestone de Tokyo. C'est également en 1953 que se tient la première exposition du Groupe de Discussion d'Art Contemporain, dans l'atelier de Jiro Yoshihara du quartier de Shibuya à Tokyo, avec certains de ses étudiants dont Shōzō Shimamoto, qui constitue les prémices du mouvement Gutai. Dans son manifeste de l'art Gutai de décembre 1956, Yoshihara précise ainsi que les principes de ce mouvement, précurseur de la performance artistique, ont en réalité été initiés trois ans plus tôt. Atsuko Tanaka, également membre du groupe Gutai, exposera des draps monochromes en 1955. Au début des années 1960, il fera connaître les artistes de Gutai à ses amis du Groupe ZERO qui exposeront avec eux en Europe.

De retour à Paris en janvier 1954, Yves Klein fonde sa propre école de judo à Fontenay-aux-Roses, tente en vain de faire homologuer son grade japonais par la Fédération française de judo, puis décide de quitter à nouveau la France pour Madrid, où l’appelle Fernando Franco de Sarabia. Il y devient directeur technique de la fédération de judo d'Espagne.

La première présentation publique des œuvres de Klein est la publication du livre d'artiste "Yves Peintures" paru le 18 novembre 1954, suivi de Haguenault Peintures, recueils réalisés et édités par l’atelier de gravure de Fernando Franco de Sarabia, à Jaén. Parodiant un catalogue traditionnel, le livre présente une série d'intenses monochromes en relation avec diverses villes où il avait vécu pendant les années précédentes. La préface de Yves Peintures est composée de lignes noires à la place du texte. Les dix planches en couleurs sont constituées de rectangles unicolores découpés dans du papier, datés et accompagnés de dimensions en millimètres. Chaque planche indique un lieu différent de création : Madrid, Nice, Tokyo, Londres, Paris.

Yves Klein retourne à Paris en novembre 1954 après la publication à Paris le 25 octobre 1954, avec l'aide de Igor Correa Luna, d'un traité sur les 6 Katas du judo intitulé "Les Fondements du Judo". En septembre 1955, il ouvre sa propre école de judo à Paris, au 104 boulevard de Clichy, qu'il décore de monochromes, mais doit la fermer l'année suivante5.

Lorsqu'en mai 1955 il veut exposer son tableau monochrome Expression de l'univers de la couleur mine orange (M 60) au Salon des Réalités Nouvelles qui se tient au musée d'art moderne de la Ville de Paris, on le lui refuse en lui demandant d’y ajouter une seconde couleur, un point ou une ligne, pour que ce tableau soit déclaré "abstrait", tendance générale de ce salon. Mais Klein reste inébranlable dans son idée que la couleur pure représente « quelque chose » en elle-même.

Sa première exposition de tableaux monochromes a lieu au club des Solitaires, le 15 octobre 1955, et passe pratiquement inaperçue. Il y expose des monochromes de différentes couleurs (orange, vert, rouge, jaune, bleu, rose), sous le titre « Yves, peintures ». Afin d'éviter toute touche personnelle les œuvres sont réalisées au rouleau : «  Déjà autrefois, j’avais refusé le pinceau, trop psychologique, pour peindre avec le rouleau, plus anonyme, et ainsi tâcher de créer une « distance », tout au moins intellectuelle, constante, entre la toile et moi, pendant l’exécution. » En 1955 également, Claude Bellegarde expose sa série de monochromes « période blanche » à la galerie Studio Fachetti à Paris. Pierre Restany s'intéresse aux tableaux monochromes et fonde le groupe « Espaces imaginaires » avec Gianni Bertini, Hundertwasser, Bruning, Halpern et le sculpteur Delahaye. Il présentera ensuite Bellegarde à Yves Klein, alors que ce dernier avait déjà commencé à réaliser puis peindre ses propres monochromes.

Début 1956, Klein fait en effet la connaissance de Pierre Restany, lors de sa seconde exposition intitulée « Yves : propositions monochromes », qui a lieu du 21 février au 7 mars 1956 dans la galerie parisienne de Colette Allendy. Avec ce critique d’art, il noue un contact intense, une compréhension tacite, et cette relation deviendra une expérience de « communication directe » qui va marquer un tournant décisif dans la compréhension de son art. Dans sa préface, Pierre Restany expliquait aux visiteurs l’arrière-plan théorique du nouveau concept. Le problème du travail sur une couleur unique entre dans la conscience culturelle parisienne. Klein devient célèbre sous le nom d'« Yves le Monochrome ».

En automne 1956, il crée l'IKB, International Klein Blue, qui est, pour lui, « la plus parfaite expression du bleu » (voir plus bas) et le symbole de la matérialisation de la sensibilité individuelle, entre étendue infinie et immédiate.

Du 2 au 12 janvier 1957, sa première exposition à l'étranger, Proposte monocrome, epoca blu, se tient à la Galerie Apollinaire à Milan, où 11 monochromes IKB de formats identiques (78 × 56 cm), mais de prix différents, sont accrochés à 20 cm du mur par des équerres pour produire un effet de saturation de l'espace, et dont l'un fut acquis par Lucio Fontana. Elle est suivie, en mai 1957, par une double exposition à Paris, d'une part à la Galerie Iris Clert, « Yves, Propositions monochromes », du 10 au 25 mai, d'autre part à la Galerie Colette Allendy, « Pigment pur », du 14 au 23 mai.

Le 31 mai 1957, la Galerie Alfred Schmela (de) de Düsseldorf ouvre ses portes avec l'exposition Yves, Propositions monochromes, avant de devenir le principal lieu d'exposition du Groupe ZERO. De 1957 à 1959, il réalise alors ses premiers Reliefs-Éponges en Allemagne pour le foyer du Théâtre de Gelsenkirchen.

Du 4 juin au 13 juillet 1957, l'exposition Monochrome Propositions of Yves Klein est présentée à la Gallery One de Londres. Le 26 juin, au cours d'un débat organisé avec Klein et Restany à l'Institut of Contemporary Arts, une polémique prend des proportions imprévues. La presse anglaise se fait largement l'écho du scandale provoqué par l'exposition.

« Mes tableaux sont maintenant invisibles », déclara-t-il alors. Et, de fait, son exposition de mai 1957 à la galerie Colette Allendy comportait notamment une salle entièrement vide intitulée Espaces et volumes de la sensibilité picturale immatérielle17.

 

Le 27 octobre 1960, il participe, dans son appartement du 14 rue Campagne-Première à Paris, à la création du Nouveau Réalisme, en signant la « Déclaration constitutive du Nouveau Réalisme » avec Pierre Restany qui l'a rédigée, Arman, Raymond Hains, Martial Raysse, Daniel Spoerri, Jean Tinguely, Jacques Villeglé et François Dufrêne.

En avril 1961, il se rend pour la première fois à New York, où ses monochromes IKB, qui avaient déjà figuré à l'exposition New Forms – New Media tenue à la Martha Jackson Gallery, du 6 au 24 juin et du 28 septembre au 22 octobre 1960, sont présentés du 11 au 29 avril lors de l'exposition Yves Klein le Monochrome à la Galerie Leo Castelli.

À la suite du mauvais accueil de ses œuvres, aussi bien par la critique que par les artistes américains lors de ses conférences, il rédige son Manifeste de l’hôtel Chelsea afin de justifier sa démarche. Du 29 mai au 24 juin 1961 son exposition est également présentée à la Dwan Gallery de Los Angeles.

Yves Klein épouse le 21 janvier 1962 une jeune artiste allemande, Rotraut Uecker, rencontrée chez Arman en 1958, et sœur de l'un des membres fondateurs du Groupe ZERO, dont il se rapproche dès 1958.

La cérémonie de mariage, orchestrée par l'artiste en l’église de Saint-Nicolas des Champs à Paris, est suivie d'une haie d’honneur formée à la sortie de l'église par des chevalier de l’ordre des Archers de Saint Sébastien puis d’une réception à La Coupole, où l’on sert un cocktail bleu aux invités, la réception se termine dans l'atelier de Larry Rivers.

Klein meurt d’une crise cardiaque le 6 juin 1962, deux mois avant la naissance de son fils le 6 août. Il avait été victime d'un premier malaise le 12 mai 1962, après la projection du film Mondo cane de Paolo Cavara et Gualtiero Jacopetti au festival de Cannes : Klein y était qualifié de « peintre tchécoslovaque » et l'une de ses performances publiques d'« anthropométrie de l'époque bleue », réalisée pour ce film les 17 et 18 juillet 1961, insérée dans une succession de séquences étonnantes, y était ridiculisée et dénaturée.

Il repose au cimetière de La Colle-sur-Loup dans les Alpes-Maritimes.